Qu'est-ce-que le multiple ?
Un multiple est une œuvre au tirage limité ou illimité, numérotée, réalisée et signée par l’artiste. Les estampes, les photographies, livres d’artistes, vidéos, sculptures, vaisselles, mobiliers peuvent être des multiples. L’intérêt pour l’artiste est de créer une œuvre originale mais reproductible en de multiples exemplaires. La multiplication de l’œuvre permet d’en étendre sa diffusion et de la rendre financièrement plus accessible qu’une œuvre dite unique.
Le multiple s’inscrit pleinement dans la démarche artistique et créative de son auteur. Il n’est pas un substitut à une œuvre unique et originale peinte, sculptée… ni une « reproduction » de cette dernière. Le multiple est, dans la majorité des cas, une création spécifique issue de recherches esthétiques, utilisant pleinement les particularités plastiques de la technique choisie.
Les multiples représentés dans la collection de l’artothèque de la Médiathèque François-Mitterrand sont l’estampe et la photographie.
LES PRINCIPALES FAMILLES ET TECHNIQUES DU MULTIPLE
Une fois imprimée, chacune des feuilles, devient une « estampe ». Si l’artiste a personnellement travaillé sur la matrice, l’appellation « estampe originale » pourra être attribuée à l’image produite. Chaque exemplaire pourra alors être numéroté, signé, et titré un à un par la main de l’artiste.
Pour certains tirages, l’artiste pourra les rehausser individuellement par une couleur ou coller, découper, broder… un élément rendant alors l’œuvre d’autant plus originale, voire unique...
L’ « estampe originale » s’oppose à l’ « estampe d’interprétation ». Cette dernière, réalisée par un graveur ou estampier, est une copie d’une œuvre unique et originale préexistante (une peinture, un dessin). Ce fac-similé est réalisé sans que la présence de l’artiste soit indispensable. Les copies ne pourront donc pas être signées et numérotées.
Reconnaître une estampe originale
La, la signature, la date… de chacune des estampes permet d’en certifier l’auteur et d’authentifier l’œuvre. Cette numérotation et signature sont manuscrites, généralement réalisées au crayon au recto de l’œuvre, dans la marge et parfois au verso.
Le numéro d’exemplaire peut être remplacé par :
E.A : épreuve d’artiste (pourcentage du tirage réservé à l’artiste et non numéroté)
H.C : épreuve Hors Commerce
L’artiste creuse la matrice, également appelée planche (plaque de bois, linoléum, etc.). Seuls les reliefs correspondants aux surfaces ou lignes de l’image finale désirée et sur lesquels l’encre doit venir se poser, restent saillants. Tout le reste est éliminé, c’est le champlevage. Une fois ces reliefs encrés au rouleau et mis en contact avec la feuille de papier sous la pression du frotton* ou de la presse, l’empreinte des formes est reportée, l’image apparaît inversée. L’opération d’encrage est renouvelée entre chaque impression. Schématiquement, le procédé est similaire à celui du tampon. Cette technique est aussi appelée la taille forte.
- Avec la gravure en relief, l’encre se place sur les reliefs de la matrice.
- Quelques exemples : la gravure sur bois (xylographie) ; la linogravure
- Dans notre collection :
Juhyun CHOI | Pierre LAURENT |
La gravure en creux ou taille douce
L’artiste travaille la matrice (plaque de cuivre, d’acier, de plexiglas, etc.) afin d’y graver en inversion ou contrepartie les surfaces ou lignes correspondantes à l’image finale désirée et dans lesquelles l’encre viendra se loger. La planche, une fois enduite de l’encre grasse puis essuyée en surface, ne gardera l’encre colorée que dans ses creux. La feuille de papier humidifiée, mise en contact avec la planche, est passée sous presse et vient dans les creux prendre l’empreinte des parties restées encrées, l’image est imprimée et apparaît inversée. L’opération d’encrage et d’essuyage sera renouvelée entre chaque impression.
- Avec la gravure en creux, l’encre se loge dans les creux de la matrice.
Exemples et détails techniques :
La taille indirecte : la planche est gravée chimiquement par des acides (eau-forte) ou autres procédés. L’eau-forte est une taille dite indirecte : l’ensemble de la plaque de métal est protégée par un vernis ou une autre matière isolante. Cette dernière est grattée ou altérée par différents procédés selon l’effet désiré par l’artiste. La plaque, alors plongée dans un bain à base d’acide, est mordue et creusée uniquement sur les zones où le vernis est absent. Suivant les étapes d’impression, sous l’action de la presse, l’encre logée dans les creux est reportée sur le papier. Exemple de techniques en taille indirecte : l’aquatinte, vernis mou, la manière de crayon, la gravure au sucre...
- Dans notre collection :
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Fred CALMET | Wolfgang GAFGEN |
La taille directe : la planche est directement creusée par l’artiste avec des outils. L’artiste travaille sur la plaque à l’aide d’outils métalliques : burin, pointe sèche, berceau... et grave le métal pour créer les sillons, les points et surfaces qui retiendront l’encre pour l’impression finale.
- Exemple de techniques en taille directe : la gravure au burin, la pointe sèche, la manière noire.
- Dans notre collection :
Pierre GAUDU | Henri et Simone JEAN | WATANABE |
La matrice ne comporte ici aucun relief, aucun creux, ce n’est donc pas une « gravure » au sens strict du terme. On parlera donc d’impression à plat ou de planographie.
La lithographie
La lithographie - dessin sur pierre - est une des principales techniques de l’estampe à plat. Sur la surface uniformément plane, le principe de répulsion entre l’eau et le gras est utilisé. L’artiste ne grave pas, il travaille avec des outils - crayons, pinceaux - déposant des lignes et surfaces d’une matière grasse spéciale sur la plaque poreuse : une pierre calcaire. La pierre et le dessin subissent plusieurs traitements chimiques puis l’ensemble de la surface est abondamment humidifié. L’encre colorée grasse y est alors immédiatement déposée à l’aide d’un rouleau. Repoussée par l’eau, cette dernière n’adhère qu’aux zones préalablement graissées par la main de l’artiste. La feuille de papier est alors mise en contact avec la matrice puis passée sous une presse à râteau pour prendre l’empreinte de l’encre présente sur la pierre. L’image sur le support apparaît inversée. L’opération d’encrage est renouvelée entre chaque impression.
Dans une autre déclinaison technique, la lourde pierre lithographique est remplacée par une plaque de zinc préalablement préparée. La lithographie est à l’origine de l’impression industrielle offset.
- Avec l’impression à plat, l’encre reste à la surface de la matrice.
- Dans notre collection :
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Shinichiro HARUSAWA | Philippe COGNEE |
L’estampe au pochoir est une technique d’impression à plat qui utilise le principe de réserves.
Le pochoir & la sérigraphie
La matrice - feuille de plastique, de métal ou autre - est composée de parties pleines et de parties évidées. L’artiste travaille sur la matrice en laissant vide les zones correspondantes à l’image finale désirée. La matrice est alors appliquée directement sur le support à imprimer et enduite d’encre. Les vides laissent passer l’encre, les pleins la bloquent, l’image apparaît. C’est le principe du pochoir. Contrairement aux autres techniques de l’estampe, le pochoir n’implique aucune inversion de l’image à l’impression.
La sérigraphie est une version évoluée du pochoir. La feuille découpée est remplacée par un écran de tissu dont on obstrue les zones du maillage suivant l’image à obtenir en laissant ouvertes les zones correspondantes aux lignes et surfaces. L’obstruction peut se faire soit manuellement, soit par des méthodes photographiques. L’encre sous le passage de la racle passe à travers les mailles laissées ouvertes. Cette technique permet de grandes subtilités et de nombreuses nuances.
- Avec l’estampe au pochoir, l’encre passe à travers la matrice.
- Dans notre collection :
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Frédéric URTO | Frédéric BOUFFANDEAU | Alain SECHAS |
Autres techniques de l’estampe :
• La phototypie est un procédé d'impression à l'encre grasse au moyen de gélatine bichromatée et insolée sur plaque de verre. Ce procédé permet un rendu à modèle continu non tramé.
• l’héliogravure est également un exemple de procédés techniques permettant le transfert d’images photographiques sur les matrices traditionnelles.
• Le monotype est une technique ne permettant qu’une seule impression, ce n’est donc pas un multiple. L’artiste applique directement l’encre ou la peinture sur le support lisse - plaque de verre, plexiglas, autre - la feuille est mise en contact avec la matrice et en absorbe l’encre, détruisant ainsi l’original. L’image produite est inversée.
• Le gaufrage consiste à déformer le support - papier, tissu - sous la forte pression de la matrice largement et profondément gravée afin d’en reporter l’empreinte et de rendre le dessin lisible uniquement par ses reliefs.
• L’estampe numérique est un procédé infographique. Sa récente intrusion dans un milieu traditionnel amène à de grandes controverses, puisque dans le cas de cette technique, il n’y a pas de forme imprimante physique, la matrice est numérique. L’information numérique créée par l’ordinateur est directement traduite et reproduite sur le support par l’imprimante numérique (jet d’encre, xérographique, thermique etc.). Le caractère d’œuvre multiple originale est déterminé par le nombre de tirages et la démarche de l’artiste.
Avec l’estampe numérique, l’œuvre est produite et imprimée numériquement.
- Dans notre collection :
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Pablo Picasso | Hervé Sornique | Henri & Simone Jean |
Phototypie | Monotype | Gaufrage |
Apparue officiellement en 1839, la photographie a connu de nombreuses évolutions techniques, toutes visant à capter le réel de manière instantanée, à le fixer définitivement et le plus fidèlement possible sur un support. La captation du réel et de sa lumière se fait par une surface photosensible chimique ou numérique. L’image captée est figée sur un support photosensible par réaction chimique (chlorure d’argent) ou imprimée par des procédés photomécaniques (héliographie) ou numériques (jet d’encre). Découverte technique, outil documentaire et populaire, la photographie est devenu un moyen d’expression et a intégré le champ de l’art à partir des années 1860.
Aujourd’hui technique du multiple, la photographie d’art est diverse par les moyens techniques et technologiques qui lui sont offerts. Argentique ou numérique, ces techniques peuvent être entrecroisées. Une photographie saisie par l’artiste sur une pellicule traditionnelle argentique peut, après numérisation, être tirée par impression numérique. Inversement, une photo numérique peut être tirée sur un papier argentique.
Qu’il s’agisse de la chaîne traditionnelle ou numérique, le caractère d’œuvre multiple originale est déterminé par le nombre de tirages de l’exemplaire, l’intérêt de l’œuvre et la démarche artistique. Comme les estampes traditionnelles, le tirage est signé et numéroté, mais pour la photographie cette justification est généralement effectuée au verso de l’image.
- En photographie, la « matrice » peut être un négatif ou un fichier numérique, l’œuvre finale peut être un tirage sur papier argentique ou une impression numérique.
- Dans notre collection :
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Ervwan VENN | Isabelle LEVENEZ | Mirka LUGOSÏ |
Glossaire
Introduction à l'estampe
Historique
L’estampe est liée à l’histoire de l’imprimerie et à ses évolutions techniques. À l’origine, l’estampe n’a pas de valeur artistique telle qu’on la conçoit aujourd’hui. La notion d’artiste étant bien plus tardive. La gravure est alors considérée comme un métier manuel.
Utilisée pour la diffusion de textes et d’images, permettant d’éviter le laborieux travail de reproduction manuscrite des ouvrages, la gravure, et plus spécifiquement la gravure sur bois (apparue en Chine dès le VIIe siècle) est l’ancêtre du procédé d’imprimerie typographique officiellement mis au point par Gutenberg au XVe siècle.
L’estampe restera, jusqu’à l’apparition de la photographie, l’unique moyen de reproduction des images. Désormais libérée du texte et de l’impression typographique, l’estampe peut suivre ses propres évolutions techniques et artistiques sur le chemin de l’image.
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Techniques
Une estampe est une œuvre imprimée. L’artiste travaille sur un support physique appelé matrice qui servira à l’impression de l’image. Cette matrice peut être une plaque de métal, de bois, de linoléum, de pierre, un écran de soie... Une fois travaillée et encrée, cette planche unique doit permettre de transposer de nombreuses fois son empreinte sur le support choisi, par exemple une feuille de papier.
L’image est imprimée ou « tirée » au nombre d’exemplaires ou épreuves souhaité, souvent inférieur à 50 ou 100. Les techniques spécifiques de l’estampe et les encres d’impression utilisées permettent d’obtenir une très grande qualité d’image mais n’autorisent pas un tirage en très grand nombre d’exemplaires. À noter que dans toutes les techniques, un ré-encrage de la matrice est nécessaire entre chaque impression.
Toutes ces techniques peuvent être utilisées simultanément sur une même plaque ou cumulées sur un même support. On parle alors de technique mixte.
La technique employée pour travailler la matrice est parfois utilisée pour qualifier l’œuvre finale, ainsi pour évoquer une œuvre gravée à la pointe sèche, on dira de l’estampe : « c’est une pointe sèche ».